mardi 28 août 2007

La marchande et le papier kraft

J'entre dans les magasins pour y découvrir chaque fois quelque chose de nouveau. L'odeur me fait connaître les tissus que je n'ai pas encore regardés. Je sais que je n'achèterai rien avant même d'avoir franchi le seuil, mais j'entre. Pour voir avec mes mains.

À peine la porte refermée, mes yeux oscillent de droite à gauche et errent dans tous les coins. Un détail attire mes pas: un bouton, un imprimé, une broche. Souvent, tout près je recule. Autre chose se détache. À la six-quatre-deux les images défilent. Ornée par ces insolites atours, seule une raisonnable pensée m'oblige à passer outre. Le nez en l'air, j'use de toute mon indifférence. J'ordonne à mes mains de se détracter, ressentant aussitôt l'air libre assécher le coussinet sensible de mes doigts. Toujours un peu plus, j'avance. Bientôt, je suis le centre du tout autour. Le désir demeure un désir et le danger s'évanouit. Une circulation s'emploie à satisfaire l'oeil.

À mon tour je me sens devenir l'objet convoité. Derrière mon épaule, les yeux de la marchande transpercent et espèrent en silence que je touche, je prenne, que je décroche la perle rare. Délicatement jusqu'au bout de mes doigts ses cils sillonnent. L'arrêt de leur battement soutient la boutique.

***

Dans l'air immobile, la marchande attend pour ne rien brusquer. Elle calcule la seconde ou son aide n'effraiera plus la demoiselle. Quel dialogue existe-t-il alors ? Laquelle des deux se fera emballée ? Celle qui paie ou celle qui est payée ?

mardi 21 août 2007

Vive les éléphants et les hiboux...

...parce que les p'tites bibittes, moi, je les trouve impolies. En moins de deux elles cassent la baraque, se saisissent de ton espace douillet que t'as mis plusieurs années à rembourrer et vlan! Tu en vois une et aussitôt elles prennent le contrôle de ton chez toi. La rapidité de leurs pattes te laisse sans voix et surtout sans droit. Plus aucune loi ne pourra régner dans ta cuisine puisque dorénavant elles sont là, perverses, surnoises, bien à l'abri à l'ombre d'une assiette. Attendant juste le bon moment pour surgir et du coup, sans même te frôler, attaquent tes nerfs fragiles et frissonnants.

L'angoisse survient après le repas du soir. Assise au salon, ta digestion s'annonce parfaite. Un liquide chaud la mènerait à terme et te permettrait d'aller dormir le ventre léger. C'est alors entre la théière et le sachet qu'elle se pointe, juste à l'instant où tu as les mains pleines et qu'il t'est impossible de la laminer.

Lorsque ton amoureux est absent, tu retiens ta respiration et accumule la salive dans ta bouche. La seule solution est de quitter cette pièce en laissant surtout la lumière grande ouverte et tu cours te réfugier sous les couvertures.

Si les renforts sont tout près tu cries:
-«R. encore une autre...».
Et tu laisses à l'homme de tes rêves le soin de te consoler, de te rassurer. (Là tu en profites et tu en mets un peu plus pour avoir double câlins, juste pour te donner plus de force et de courage la prochaine fois où tu te retrouveras seule, face à l'ennemie, que même ici tu n'as pas le courage de nommer...)

Mais plus le scénario se répète, plus tu hais ta propriétaire et ses traitements bidons. Tu en viens même à confondre son visage avec celui de tes visiteuses indésirées. Ta névrose t'envahit au point où la petite trappe "Victor", posée près de ton réfrigérateur, te semble anodine, respectable, familière et tu espères la venue impromptue d'un éléphant ou d'un hibou, dont les allées et venues seraient visibles et repérables en tout temps.